La vérité dont nous avons honte

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de Chiara Manfredini

Notre esprit ne supporte pas volontiers d’être en contact avec la vérité, la réalité et avec ce qui existe. Nous sentons à l’intérieur de nous-mêmes la nécessité de raconter, de nous raconter, une histoire convaincante, qui nous calme, et qui nous donne l’impression que tout est clair, que tout va bien. De cette attitude de base, naît une pensée constamment tournée vers le passé et aussi une aspiration continuelle vers l’avenir. Il est rassurant d’avoir un passé par lequel nous tourmenter et nous consoler, et un futur grâce auquel rêver ou dans lequel trouver un refuge. Les histoires nous abritent de la vérité, de l’impact avec la vie, de la conscience que la spirale du changement déclencherait en nous. Dans les grandes histoires d’amour ou dans les mariages, cette situation peut se vérifier : pour maintenir en équilibre notre relation, pour lui donner un sens, nous nous racontons des histoires, et nous les racontons aussi aux autres, de nombreuses fois, pour nous convaincre que, malgré tout, les choses sont exactement comme nous disons et nous pensons. Ceci peut se passer aussi pour ce qui concerne les affaires de notre vie quotidienne, comme par exemple notre travail, nos idées, nos devoirs : tout finit par devenir un grand récit pour nous convaincre d’une certaine vérité. Depuis quelques mois, nous sommes fréquemment témoins de massacres et d’enlèvements, et chaque fois, nous essayons de comprendre, d’exposer et aussi de falsifier les évènements en pensant à d’autres choses, en nous racontant des “histoires” rassurantes, mais la vérité est beaucoup plus simple: quelqu’un dans le monde nous déteste, quelqu’un est en guerre contre nous et veut notre mort. Nous sommes un pays guerre, un pays en danger. Cependant personne ne l’admet, et tout a l’air d’être plus important et intéressant qu’affronter cette réalité dramatique. Mais, comme Zola nous le dit, “quand la vérité est enterrée, elle grandit, elle étouffe, et elle accumule une telle force explosive que, le jour où elle viendra à la surface, elle fera sauter en l’air toutes les autres choses avec elle”. Donc, il n’y a pas d’autres solutions à notre fuite continue du présent qu’un réveil brutal : nous devons prendre conscience de la « réaction en chaine » qui a été provoquée par tout ce que nous avons volontairement ou involontairement ignoré. Notre seul espoir est que cette évasion, cet éloignement de la vie puisse s’arrêter, puisse s’interrompre. Ce n’est pas à cause d’une tragédie ou d’une circonstance irréparable, mais grâce à un regard d’amour que nous fait reprendre conscience d’où nous sommes et de ce que nous voulons, que nous pouvons être livrés, enfin, à nous-mêmes. Tout simplement plus humbles, tout simplement plus disponibles à ne plus nous raconter des histoires mais à nous dire – sans aucune hésitation – dans quelle situation réelle nous nous trouvons. Seulement en acceptant ce que nous sommes, nos besoins et nos malaises, nous pourrons recommencer le long chemin qui nous sépare de ce que nous désirons. Ce qui nous sépare de notre maison.

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